CANADA : Canoë trip : 350 km sur la rivière Porcupine
15 oct. 2016Voilà bien longtemps que je souhaitais découvrir le Canada d'une façon originale, dans ce pays où la nature règne en maître.
Après avoir effectué quelques recherches, je me décide pour l’ouest du pays, aux confins du Canada et de la toundra arctique : très vite, le Yukon et la rivière Porcupine, retiennent mon attention : ce sera mon terrain de jeux, et le canoë, le moyen de transport évident.
Je voulais vivre une aventure en pleine nature, dans un endroit sauvage et préservé au sein d'une forêt boréale magnifique qui éclate de mille feux aux couleurs de l'automne : j'allais être servi !
En territoire Gwintchin Vuntut, (qui signifie "parmi les lacs") le lien qui unit les hommes et la nature sont indissociables, ce qui fait de ce lieu, un endroit remarquable.
Récit de cette épopée qui n’en n’est pas moins une véritable expédition, en autonomie totale, qui nous a mené du lac Summit à Old Crow, au-delà du cercle polaire arctique, sur près de 400 Kms, tout même ! Que l’aventure commence !
Une odyssée en canoë pas comme les autres.
Reconnaissons-le, c’est un pari un peu fou sur lequel je me suis engagé, et un défi personnel à relever : mais Jean-Marc, d’Aventure Arctique et initiateur de ce périple, que toute l’équipe connait bien, nous avait convaincu de le suivre ; malheureusement, et à notre grande déception, il n’a pas pu nous rejoindre.
Car en fait, cette aventure s’est révélée bien plus difficile que je ne l’avais imaginée et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait : pluie, froid, humidité, vent, neige, courant, ou pas, nous avons eu droit à toutes les saisons : du jour au lendemain, le temps peut changer du tout au tout, et c’est que nous avons vécu ! Heureusement le soleil s’est souvent invité lors de cette descente que je considère comme étant difficile !
Ajoutons à cela, une équipe formidable, soudée et motivée, qui a grandement contribué tout de même à la réussite de ce voyage pas comme les autres. Belle ambiance !
Une déception tout de même : peu d’animaux rencontrés et surtout avons raté la migration des 140 000 caribous (la plus grande harde au monde) restée en Alaska en raison du mauvais temps de cet été : ils n’ont pas été au rendez-vous au grand dam du peuple des premières nations Gwitchin d’Old Crow, qui les attendent comme le messie, afin d’effectuer des réserves de viande pour l’hiver.
Terrain de jeu de notre périple
Découverte par John Bell en 1842, la rivière Porcupine prend sa source dans la chaîne de montagnes Ogilvie, dans le nord ouest canadien. Elle serpente sur plus de 700 kilomètres dans le Yukon et en Alaska.
Pour rejoindre notre point de départ, il faut d’abord se rendre à Whitehorse, puis prendre un autre avion pour Inuvik.
Nous commençons notre périple par un vol Air North de Whitehorse à Inuvik à bord d’un avion à hélice, digne de l’aéropostale, un « Hawker HS7 » : pour la petite anecdote « Air North » est détenu à 50 % par la communité Gwitchin du village de Old Crow : 300 habitants ! Quelle belle réussite pour ce peuple qui se bat pour sa survie !
Nous avons vu de merveilleux paysages
Les images parlent d'elles mêmes...Les paysages sont d'une beauté à couper le souffle. Les arbres aux couleurs de l'automne se reflètent dans la rivière comme dans un miroir sans fin.
Dans l'immensité de la forêt Canadienne, le silence et le spectacle qui s'offrent à nos yeux, invitent à la contemplation, et c'est un bonheur immense qui vous envahit.
Et assisté à de sublimes couchers de soleil...
Dans le silence de la toundra et de la forêt boréale, lorsque le soleil disparait derrière les montagnes, le ciel s'embrase tel un feu de joie, venant couronné une journée bien remplie.
C'est une explosion de couleurs : des rouges, des roses, des jaunes, des bleus,qui se répandent dans l'horizon, tel un pinceau d'artiste, qui court sur sa toile, pour atteindre un bonheur sans limite.
C'est parti !
Après avoir fait connaissance avec l’équipe, racheté de la nourriture (eh oui, une partie du fret n’est jamais arrivé, çà commençait mal !) réglé les problèmes d’intendance, nous transférons notre équipement dans des sacs étanches.
Le 27 août, nous partons enfin, direction l’hydravion qui doit nous « parachuter » au Lac Summit.
Près de 2000 petits lacs comme ceux-là parsèment le parc national Vuntut crée en 1995 dans le but de faire connaitre l'importance de la culture Gwitchin Vuntut et de protéger leur territoire
C’est donc par un magnifique survol à bord de cet hydravion, que nous découvrons notre terrain de jeux : ce sont les "Crow Flat", région de rivières et de lacs.
Que d’eau ! Que d’eau ! Des terres humides, des lacs partout, des cours d’eau qui serpentent dans la toundra, c’est superbe !
Néanmoins, le plaisir de la vue du paysage laisse vite place à l’interrogation, car ma première impression me laisse dubitatif : comment allons-nous progresser dans ce dédale de rivières ?
Seuls au monde.
Le lendemain, on nous prévient que la journée sera longue et épuisante : Une fois « largués » sur les rives du Lac Summit, l’hydravion refera un passage au-dessus de nous pour nous saluer une dernière fois.
Alignés sur le bord du lac, nous le regardons s’éloigner dans le silence une dernière fois : cette fois, nous sommes bel et bien seuls pendant de longs jours !
Maintenant, plus de montre, nous vivrons au rythme de la nature et de notre progression
Le départ & la préparation des canoës
Mais trêve de plaisanterie, il est trop tard pour revenir en arrière ! Faut qu’on se bouge, et il est maintenant grand temps de se préparer : cela débute par le montage fastidieux des canoës : pas une mince affaire cette histoire ! Après bien des efforts, nous sommes prêts à embarquer.
Embarquer ? Non, pas encore mon Capitaine ! Car pour rejoindre notre première rivière « La little Bell » il faut porter nos embarcations et notre matériel à dos d’hommes à travers une zone de marécages, ponctuée de trous, de mousse spongieuse… Quelle galère !
Des embûches nombreuses
Enfin, nous atteignons le point de départ : nous commençons à naviguer sur une rivière étroite et sinueuse avec peu de courant au milieu de la taïga. L’humidité est constante et les obstacles nombreux. Nous sommes obligés de mettre pied à terre car on ne passe pas : d'ailleurs, à un moment, il faudra tirer les embarcations avec une corde.
Un arbre nous coupera également le chemin : Alexandre mettra du temps à le scier depuis son canoë : pas facile et épuisant ! Il devra s’y reprendre à plusieurs reprises. A grands renforts d’encouragements, l’arbre cède enfin et part dans le courant : nous sommes libérés et pouvons continuer notre descente.
Les abords de la rivière sont impressionnants : les crus ont provoquées de gigantesques glissements de terrain : il faut rester vigilant !
Les rives sont boueuses, encombrés d'une végétation dense, et de talus d'éboulis pierriers. C'est d'ailleurs à cet endroit que je me blesse assez sérieusement un doigt.
Puis il faut traverser la rivière coûte que coûte : on est trempé jusqu'aux os.
BELL RIVER
Le 31 août, nous attaquons la descente de la Bell, beaucoup plus large, et qui se situe environ 20 km plus loin que la Little Bell. La navigation est vraiment plus difficile que prévue : peu de courant.
Le geste doit être sûr et bien fait pour ne pas souffrir du dos et des fesses. Mais rien n’y fait, j’ai mal partout. Je me demande comment je vais tenir jusqu’au bout, d’autant plus que mon doigt blessé ne s’améliore pas.
Mais je ne suis pas plus inquiet que cela, car je n’ai pas très mal. Et puis, si je commence à m’en faire, le moral s’en ressentira. Alors, grâce aux soins prodigués par Odile que je remercie infiniment, j'ai essayé d’être plus fort que le mal.
De toute façon, il me faudra tenir jusqu’au bout, alors, il ne faut pas s’écouter et P A G A Y E R, P A G A Y E R, encore, et toujours, avec mon doigt en carafe !
Rame, Rame, Rameurs, Ramez, on avance à rien dans c’canoë…Tais-toi et Rame » Alain Souchon
Des bivouacs au coin du feu
Heureusement, le bivouac du soir est à chaque fois le bienvenu : autour d'un feu de bois et d'un bon plat, on se repose ; néanmoins, à chaque arrivée, il faut trouver un emplacement potable, ce qui n'est pas évident, monter les tentes, chercher du bois...
Dès que le soleil se cache et que la nuit tombe, le froid et l’humidité se font grandement sentir. Dans la nuit, il gèle parfois, et au réveil la température est souvent très basse ; mais nous avons la chance d'assister à de magnifiques levers, et couchers de soleil.
Une journée de 1ère
Une journée difficile, mais une journée de « 1ère » Les jours suivants, nous continuons notre descente, mais le 2/9 sera une journée difficile : 10 heures de navigation ! Nous sommes exténués.
On trouve difficilement un lieu pour poser nos tentes, car tout a été balayé par les crues d’été. Le froid et la nuit tombent, alors on se décide de s’arrêter au plus vite. On trouve enfin un endroit potable, mais un peu boueux, comme souvent d'ailleurs !
Pourtant, notre effort de la journée sera récompensé par notre 1er festival d’aurores boréales, la pêche de notre 1er brochet, et la rencontre des premiers « chasseurs Gwitchin »
Au petit matin, il fait -5°, mais le soleil qui pointe dans la brume du petit matin est d'une beauté saisissante !
LA PORCUPINE
Le 3/9, nous l’atteignons après environ 180 km parcourus, au cours d’une belle journée. Nous pêcherons 3 brochets, et puisque nous arriverons tôt, grande lessive de printemps, et on profitera tous pour se laver dans la rivière froide, mais ô combien salvatrice ! Quel bonheur de se sentir propre ! Enfin…Presque !
Tout au long de la descente, nous traquerons la moindre trace de loup, d’ours, caribous ou autre animal : nous verrons bien quelques castors, des aigles à tête blanche, mais rien en chair et en os !
Nous profitons aussi de nos arrêts pour effectuer de courtes randonnées aux alentours, notamment pour récolter des baies sauvages qui sont en nombre(canneberges, groseilles,….) ou gagner de la hauteur, pour avoir un point de vue, toujours superbe, sur la rivière et l’immensité de la toundra arctique.
Une météo à 4 saisons
Le parcours est également jalonné de cabanes ou baraques de chasseurs : malheureusement, elles sont inoccupées : dommage ! Nous aurions aimé converser avec leurs habitants. Nous saurons plus tard qu’elles étaient vides en raison du retard de l’arrivée des caribous. Ils viendront plus tard.
La journée du 5/9 sera couverte et venteuse : d’ailleurs, La soirée sera pluvieuse : les bâches sont installées, pour protéger le feu et nous par la même occasion ; pour se consoler, soirée crêpes ! Quel régal ! On espère que nos tentes (trop légères) ne prennent pas l’eau, sinon, on se réfugiera sous les bâches !
Le lendemain, c’est la neige qui s’invite ! Il ne manquait plus que cela ! Il fait froid, mais nous ramons tout de même car il ne neige pas trop fort. Néanmoins, nous sommes frigorifiés, surtout les mains et les pieds qui s’engourdissent.
Les montagnes aux alentours sont enneigées sur les sommets : l’hiver et bel et bien arrivé mes amis, qu’on se le dise ! Une cabane toute simple avec un poêle sera le bienvenu et sera notre refuge pour la nuit, tout au moins pour faire sécher nos affaires, se restaurer et se réchauffer !
Heureusement, nos cuisiniers et pêcheurs ont fait des merveilles !
Il convient aussi de noter « l’excellence » en matière de cuisine de Jonathan et de Pierre, qui ont fait des miracles : je tiens ici à les remercier chaleureusement. Car sans nourriture, point d’énergie, et un moral en berne ! c’est dire combien cet aspect est primordial dans toute aventure.
D'ailleurs, pour améliorer l'ordinaire, rien de mieux que de jeter une ligne dans la rivière, pour obtenir une pêche miraculeuse : la rivière regorge de poissons, et notamment des brochets ; ils nous apporteront les protéines nécessaires dont nous avons grandement besoin.
Et maintenant, le vent !
Le 10/9, nous approchons du but : Old Crow.
D’ailleurs, nous entendons dans le lointain les aboiements des chiens, et croisons quelques bateaux de chasseurs. Nous pourrions tout à fait y arriver en fin d’après-midi, mais encore un contre-temps, cette fois c’est un vent fort qui contrarie notre progression.
La rivière moutonne, nous avons le vent dans le nez ! On progresse lentement et difficilement, mais il faut renoncer à pagayer : trop dangereux ! On tirera les canoës en remontant la berge à pied, ou plutôt dans la boue !
La décision est prise de bivouaquer tout près de village : l’endroit nous parait sympa, mais Jonathan préfère qu’on se rende de l’autre côté de la rivière ! Cela risque d’être sportif, mais on passe sans trop de difficultés, en pagayant comme des fous.
OLD CROW
Nous atteindrons OLD CROW, petit village Gwitchin de 300 âmes, inaccessible par la terre, notre destination finale, après 150 km de Navigation sur la Porcupine et après descendu près de 400 km de rivière !
Quel plaisir d’apercevoir enfin le village sous un superbe soleil. Nous accostons d’une façon un peu rude car le courant est vraiment fort et il ne faut surtout pas se louper ! Ouf ! Nous mettons pied à terre. Nous avons réussi notre périple, et franchement nous sommes tous très heureux. Quelle épopée ! Quelle aventure !
Le village semble désert, c’est dommage, pas de comité d’accueil. Mais nous nous rendrons assez vite qu’il n’en est rien ! Nous installons notre campement sur une sorte de pelouse bien plate, à côté d’une cabane réservée aux voyageurs de passage, qui nous servira de cuisine.
On visite ce village tout simple : tout est calme : normal, car la horde de caribous n’est toujours pas arrivée ; on nous fait découvrir leur territoire sur une carte, les problèmes auxquels ils sont confrontés, leur culture passionnante.
Ici les Gwitchin vivent dans le calme et la sérénité : petit à petit les contacts se nouent, et ils viennent à notre rencontre : on nous offre café, saumon sauvage, pain, baies sauvages ! Quel accueil et quel gentillesse !
Dans la soirée, le temps se couvre, on nous annonce la pluie : ce sera pire que cela ! Au petit matin, la température chute brutalement, la pluie se transforme en neige, qui s’accumule sur les tentes ; dans la journée, la neige atteint plus de 10 cm, les tentes s’écroulent presque sous son poids : il sera impossible d’y dormir cette nuit.
Jonathan réussira à nous trouver un hébergement confortable, et tout confort, avec une douche ! Quel bonheur ! Entre temps, l’équipe de Mathieu arrive sous un déluge de neige : ils sont frigorifiés et ont dû ramer comme des malades ! Nous leur laisserons la cabane.
Voilà, c'est fini !
Ainsi se termine une belle aventure humaine que je ne suis pas près d’oublier : voilà aussi pourquoi j’aime voyager. Oui, cela a été difficile, mais c’est comme toujours, avec le recul, on ne regrette rien. Reste la nostalgie des bons moments passés avec toute l’équipe.
Ce voyage m’a donné de nouvelles idées, dont celle d’y revenir seul, comme j’aime à le faire souvent, et de découvrir la région autrement, un jour, certainement…
L’hiver et son manteau blanc ont maintenant fait place à l’automne qui se termine au Yukon ; il commence en France : ce sera l’heure de songer et de rêver à de futurs projets !
Il est temps de tourner la page et de refermer le chapitre d’un livre ouvert sur l’avenir : car il reste tant de terres à découvrir, tant de mers à parcourir, au coeur de notre bonne vieille planète !