INDONESIE : Les combattants du Kawah Ijen
01 mai 2013Une lutte inégale ! C'est bel et bien un combat de titans que se livrent des centaines de villageois pour extraire " l'or jaune de ce " cratère vert " dont le nom, en Javanais se nomme KAWAH IJEN.
Cet or jaune, c'est le fameux minerai de soufre extrait de ce volcan en activité, situé sur l'ile de Java.
Portait de ces hommes courageux et d'un volcan exceptionnel....Jugez plutôt
I
Lors de mon dernier voyage en Indonésie, et en compagnie de mes fidèles compagnons de voyage, Aline & Christian, nous avons eu l'occasion de découvrir quelques volcans spécifiques de la région (Kelimutu, Egon, Elulobo) .Mais il en est un qui retient l'attention : sa popularité est dûe à sa spécificité géologique, mais aussi et surtout aux hommes qui y travaillent, dans des conditions qui paraissent incroyables de nos jours.
Voyager, c'est bien sûr découvrir souvent des paysages magnifiques, rencontrer des cultures différentes, partager tant de belles choses...Mais tout n'est pas toujours aussi idyllique que cela. Car parfois, loin de chez nous, se jouent de véritables drames de la vie.
C'est aussi cela que je souhaite vous faire partager aujourd'hui : vous raconter en quelques mots et quelques images, le calvaire de ces hommes courageux, sorte d'esclavage de notre monde moderne, même si c'est grâce à ce travail d'un autre temps qu'ils font vivre leurs familles
Le Kawah Ijen en quelques chiffres....
Le kawah ijen (2386 m) se situe à JAVA EST, sur un grand plateau qui est en fait un immense cratère, dominé également par les volcans Mérapi (2800 m) et Raung (3322m)
- Dimensions du lac : 1 km de long environ sur 600 m de large
- Profondeur : environ 200 m
Il faut avoir le coeur bien accroché pour arriver jusqu'au point de départ : la route est complètement défonçée ; parfois, il faut même descendre du véhicule lorsque la pente est trop raide....
L'accès au pied du volcan n'est pas trop difficile (Bon çà monte raide tout de même !) : environ 3,5 kms sur 500 m de dénivellé...
Il suffit de suivre un chemin bien traçé, sur lequel on croise les fameux " porteurs de soufre ". Pas trop difficile pour nous, mais pour eux, c'est une toute autre histoire...
Le Kawah Ijen : une vraie bombe !
- C'est le plus grand lac d'acide sulfurique et chlorydrique du monde : 37 millions de M3
- Ses vapeurs sont hautement toxiques (dioxyde de soufre,sulfate d'hydrogène, vapeur d'eau de plusieurs centaines de degrés)
Les porteurs de soufre
Le challenge : ramener en 1 ou 2 fois par jour, la plus grande quantité de soufre, jusqu'au dépôt, ou des camions emmèneront la cargaison jusqu'à l'usine de traitement.
Chaque porteur est équipé d'un double panier en osier qu'il porte sur ses épaules : 40 kgs environ sur chacune : les plus costauds peuvent ainsi porter jusqu'à 100 kgs !
Afin de faciliter la marche, s'il on peut dire, ils adoptent un rythme bien précis, permettant d'équilibrer au mieux leur lourde charge, en synchronisant leurs pas.
Le bruit du panier qui crisse à chaque pas est saississant : le pire, c'est qu'ils avançent à une cadence plutôt rapide, compte tenu du poids ; mais en montée, c'est un véritable chemin de croix.
L'âge moyen d'un mineur ne dépasse guère 40 ans, car les vapeurs nocives et suffocantes qui s'en dégagent, brûlent les poumons, les yeux, la peau, sans compter les dégâts sur son ossature.
Sur le chemin qui mène au volcan, les visiteurs se mêlent à ces forçats, car oui, c'est un lieu très fréquenté des touristes qui viennent voir ce site exceptionnel.
Le contact est assez facile, et le temps d'une pose "cigarette-biscuit-eau" la conversation s'engage.
Une fois les paniers remplis, il faut passer à la pesée pour connaitre son poids, et donc son gain de la journée.
Les paniers contenant les morceaux de soufre sont ensuite stockés en attendant le passage des camions de ramassage.
Malgré cela, un spectacle fabuleux....
L'arrivée en haut du cratère est stupéfiant : un paysage lunaire s'offre à nous, mais la vue est magnifique. Les coulées de lave enserrent un lac bleu turquoise, dont la couleur est dûe à l'acidité de ses eaux.
Malheureusement, nous apprendrons très vite que, compte tenu de l'activité inabituelle du volcan, nous n'aurons pas l'autorisation de descendre au fond du cratère, pour voir au plus près le travail de ces hommes, et ce, malgré d'intenses négociations avec le gardien qui nous barre le chemin, et un bakchich conséquent !
La déception est grande, mais le spectacle de toute beauté.
Nous comprenons aussi rapidement pourquoi le Kawah Ijen est dangereux : la respiration devient difficile, les yeux piquent ; malgré un foulard, l'air devient vite irrespirable, à tel point que certains viennent avec des masques à gaz. Une excellente idée !
Car parfois, le lac se réveille, dégageant des bulles explosives qui tuent....
Rencontre avec Choukerman
C'est la seconde fois qu'Aline et Christian, mes amis, se rendent sur le volcan; en effet, quelques années auparavant, il étaient venus ici, et avaient pris de nombreuses photos de porteurs, en se jurant que s'ils revenaient un jour, il essaieraient de les retrouver pour leur offrir leurs photos. Promesse tenue...Nous avons la chance d'en retrouver quelques uns, dont l'un entre eux....Il s'appelle Choukerman
Choukerman à la cinquantaine environ.Petit de taille, il a le dos légèrement voûté, les jambes arquées par le poids des années de portage ; ses épaules, qu'il nous montre, sont usées et meurtries par le frottement des bambous, un hématome énorme en haut du dos le fait souffrir.
Ses bottes sont complètement explosées et pourtant....il a le sourire...Ce qui est incroyable, c'est que malgré son état, il marche presque tous les jours, encore et encore.Nous faisons un bout de chemin avec lui. Nous sommes émus devant ce petit bonhomme souriant, et d'une grande gentillesse. Que faire pour l'aider ? Pas grand chose à vrai dire. Nous prenons la décision de lui racheter des bottes, que nous ne trouverons d'ailleurs pas.Nous nous contenterons alors de lui offrir un soda.
Ce superbe endroit ne peut laisser indifférent. On en revient avec des images pleins la tête, certes, mais aussi avec un sentiment mitigé... Que pensez des touristes qui se mêlent à ces travailleurs dans cet enfer du XXIème siécle ? Cela peut paraitre choquant, du voyeurisme, mais c'est comme cela nous dit-on...
Enfin, le jeu en vaut-il la chandelle pour eux ? Certes, ils ont choisi ce travail rude en toute connaissance de cause, pour un revenu supérieur à la moyenne.
Grosso modo, 1kg de soufre = 0,05 € = 5 €/jour = 80 € par mois. A titre de comparaison, la salaire moyen sur java est de 40 € par mois.
Ils gagnent donc " très bien " leur vie ! Mais à quel prix ? Vous êtes-vous posé la question de savoir à quoi sert ce soufre ? Eh bien.... A faire des allumettes, ou....à blanchir le sucre de canne que l'on consomme tous les jours ! Sans commentaires...